top of page

OQTF : l'Etat doit veiller à instruire ses dossiers !

  • Photo du rédacteur: Louis Wacquier
    Louis Wacquier
  • 18 janv.
  • 3 min de lecture
Dans une récente jurisprudence obtenue par le cabinet, le tribunal administratif d'Amiens rappelle que, en matière d'OQTF et de refus de titre de séjour faisant suite à une rupture de la vie conjugale, le préfet est tenu de rapporter la preuve de l'effectivité de cette rupture de la communauté de vie.
Deux personnes assises sur un banc

Dans cette affaire, la préfecture avait édicté à l'encontre de la requérante une OQTF à la suite d'un refus de titre de séjour.


La requérante avait initialement déposé en préfecture une demande de titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement de l'article 5 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dès lors que son époux résidait de manière continue et régulière sur le territoire français. Aux termes de cet article :


« Le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des titres de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n’ayant pas atteint l’âge de la majorité dans le pays d’accueil, admis dans le cadre du regroupement familial sur le territoire de l’un ou de l’autre état, sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes. »


Pour refuser la délivrance du titre de séjour, la préfecture opposait alors à la requérante la circonstance que la communauté de vie avec son époux aurait cessé, de sorte qu'elle ne remplissait plus les conditions édictées à l'article 5 précité.


Dans une telle circonstance, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet que :


« En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement.

 

Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse d'accorder ce titre.

 

Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. »


Au soutien de cet argument, la préfecture se prévalait d'une simple lettre, transmise par l'époux de la requérante à la préfecture, mentionnant le fait que, suite à une dispute, ils ne résidaient plus ensemble.


Sans procéder aux investigations d'usage, la préfecture édictait en réponse une OQTF à l'encontre de la requérante, laquelle ne remplissait plus, selon la préfecture, la condition de communauté de vie avec son époux en situation régulière.


Toutefois, une telle décision d'éloignement, fondée sur une rupture de la communauté de vie, ne peut intervenir qu'à l'issue d'une enquête administrative permettant à la préfecture de motiver en fait ladite rupture. (TA Montreuil, 21 novembre 2023, n°2218516)


En présence d’une simple lettre de dénonciation et en l’absence de tout autre indice quant à la rupture effective de la vie en communauté, le juge administratif considère la décision de retrait d’un certificat de résidence comme entaché d’illégalité. (TA Melun, 27 juin 2023, n°2210930)


Même en présence d'une enquête administrative concluant à une absence de communauté de vie, le juge administratif considère ladite enquête comme un commencement de preuve devant être corroboré par d’autres indices. A l’inverse, le requérant peut apporter la preuve contraire en versant aux débats tout élément permettant d’attester d’une communauté de vie effective. (TA Lille, 22 mai 2024, n°2306167)


Deux cas peuvent donc se présenter :


  • Soit la préfecture n'a procédé à aucune enquête administrative, comme c'est le cas en l'espèce, et le refus de titre de séjour n'est fondé sur aucune circonstance de faits ;

  • Soit la préfecture a procédé à une enquête administrative, contre laquelle le ou la requérante peut rapporter des éléments circonstanciés permettant au juge d'apprécier, à l'inverse, la continuité de la vie commune.


Dans notre cas, une telle enquête administrative, qui avait certes été "commandée" par la préfecture, n'a jamais eu lieu.


Par conséquent, la préfète n'était pas fondée à rejeter la demande de titre de séjour sur ce fondement.


L'arrêté a été annulé dans sa totalité et la préfecture est désormais dans l'obligation de transmettre à la requérante un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale".


Dans chaque cas, il est donc important de veiller à examiner les preuves sur lesquelles se fonde la préfecture pour édicter ses mesures d'éloignement.


Louis WACQUIER

Avocat en droit public

Avocat en droit de la construction

Barreau d'Amiens

Comments


bottom of page