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EHPAD : les libertés encadrées de nos aînés

  • Photo du rédacteur: Louis Wacquier
    Louis Wacquier
  • il y a 6 jours
  • 4 min de lecture

Alors que le Gouvernement lançait en 2022 un plan d'inspection visant à analyser les pratiques des quelques 7.500 EHPAD du territoire après la découverte de plusieurs faits de maltraitances, la question de l'encadrement des libertés des pensionnaires s'impose comme un outil à disposition des EHPAD et de leur personnel pour tenter de prévenir toute dérive.


Car si l'entrée dans un établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante rime souvent avec "perte d'autonomie", lesdites personnes âgées n'en conservent pas moins leurs libertés individuelles les plus fondamentales.


Nécessairement, ces droits seront en partie restreints au regard de l'état de la personne accueillie et des besoins attachés à l'organisation des services des établissements d'accueil.

Trois personnes âgées assises sur un banc devant un EHPAD

I. Cadre législatif et réglementaire

Le cadre législatif est posé à l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles :


"L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne accueillie et accompagnée par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Lui sont assurés :

(...)

Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal s'il s'agit d'un mineur ou, s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de l'avis de la personne protégée, doit être recherché ;

(...)

Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;"


L'exercice effectif des droits susmentionnés est garanti par la fourniture, dès l'entrée dans l'établissement, un livret d'accueil comprenant :

  • Une charte des droits et libertés de la personne accueillie, arrêtée par les ministres compétents après consultation de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale mentionné à l'article L. 6121-7 du code de la santé publique ; la charte est affichée dans l'établissement ou le service ;

  • Le règlement de fonctionnement défini à l'article L. 311-7 du CASF ;


En outre, un contrat de séjour est établi entre l'établissement et la personne accueillie après entretien individuel, lequel comprend :

  • Les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement ou de service ;

  • La liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.


La personne accueillie doit également être informée de la possibilité de désigner une personne de confiance.


Ce contrat de séjour peut également comprendre en annexe, si elles s'avèrent nécessaires, "les mesures particulières à prendre, autres que celles définies au règlement de fonctionnement, pour assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir". (Article L. 311-4-1 du CASF)


Ces mesures sont précisées dans un décret n°2016-1743 du 15 décembre 2016 relatif à l'annexe au contrat de séjour dans les établissements d'hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées.


Le décret rappelle d'ailleurs que cette annexe concernant les mesures particulières n'est pas obligatoire et que "l'opportunité de joindre une annexe au contrat de séjour est décidée par le médecin coordonnateur, ou à défaut, le médecin traitant."


Ce décret nous informe qu'il revient à la direction de l'établissement de décrire, sur proposition du médecin ordonnateur, les mesures permettant d'assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir.


Les mesures prises pourront ainsi varier et dépendre de chaque individu mais également des sujétions liées au fonctionnement du service.


Une fois ces mesures identifiées, le directeur de l'établissement est tenu, dans un délai qui ne saurait être inférieur à quinze jours à compter de la réception du projet d'annexe par le résident, de s'entretenir avec lui et, le cas échéant, son représentant légal :


"Quinze jours au moins après réception du projet d'annexe, le résident et, le cas échéant, la personne chargée de la mesure de protection juridique et, après accord du résident, sa personne de confiance, sont reçus en entretien par le directeur d'établissement, ou toute autre personne formellement désignée par lui. Le directeur d'établissement, ou son représentant, s'assure de la compréhension, par le résident, des mesures envisagées dans le projet d'annexe et recherche son consentement sur chacune d'entre elles. A l'issue de cet entretien, le directeur, ou son représentant, et le résident et, le cas échéant, la personne chargée de la mesure de protection juridique, signent conjointement l'annexe au contrat de séjour." (Article R. 311-0-7 du CASF)


II. Quelles finalités ?


Concrètement, les mesures seront inscrites dans le contrat de séjour à l'issue d'une procédure collégiale au cours de laquelle interviennent les personnels soignants et le médecin coordonnateur, lequel proposera au directeur de l'établissement un ensemble de mesures proportionnées et adaptées à la situation de l'intéressé(e).


Leur contenu ne peut être abstrait et doit répondre aux besoins de chaque individu et être proportionné à ce qui est strictement nécessaire au vu de l'état de la personne.


III. Quels contrôles ?


Le contrôle de ces mesures est assuré par le Préfet, le président du conseil départemental ou par le directeur de l'ARS. (Article L. 119-2 du CASF)


Une cellule dédiée aux signalements de maltraitances envers les personnes majeures en situation de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap est constituée auprès de chaque agence régionale de santé. (Article L. 1432-1 du Code de la santé publique)


En cas de litige, la juridiction compétente dépendra du caractère de l'établissement concerné. Les établissements gérant un service public relèveront du juge administratif, tandis que les litiges relatifs aux critiques portées sur la mise en œuvre de l'exécution du contrat individuel seront portés devant le juge judicaire.


IV. Quelles responsabilités ?


L'établissement d'accueil peut d'abord être responsable s'il n'a pas pris les mesures préventives indispensables ou exercé les surveillances nécessaires. (Conseil d'Etat, 12 juin 2006, n°228841)


De manière générales, les restrictions aux libertés des résidents peuvent toujours être appréciées par le juge administratif sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.


A titre d'exemple, une interdiction générale et absolue de sortir d'un EHPAD en période de COVID a été jugée comme "[portant] une atteinte grave à la liberté d'aller et venir [et] est manifestement illégale" (Conseil d'Etat, 3 mars 2021, n°449759)





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