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Urbanisme : la menace de l'amende pour recours abusif

  • Photo du rédacteur: Louis Wacquier
    Louis Wacquier
  • 10 janv.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 janv.

Dans une récente décision datée du 14 novembre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a fait usage des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme de manière tout à fait inédite.
Illustration d'une personne condamnée à payer une amende

Aux termes de cet article :


"Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel."


Autrement dit, tout recours manifestement infondé ou irrecevable expose son auteur à une condamnation pécuniaire, laquelle peut être exigée par le défendeur, bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme, dans un mémoire en défense.


Ce cas de figure se présente notamment lorsque :


  • La requête est manifestement irrecevable (TA Lille, 18 juillet 2024, n°2103736) ;

  • Le requérant est dépourvu d'intérêt à agir (CE, 5 juillet 2013, n°354026 ; CAA Versailles, 3 octobre 2019, n°18VE01741).


A la lecture de ces jurisprudences, un voisin immédiat disposant d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ne pourrait, logiquement, être exposé à cette sanction.


Toutefois, dans certains cas exceptionnels, le voisin immédiat disposant d'un intérêt à agir s'expose à une telle amende.


C'est notamment le cas dans la décision rendue par le tribunal administratif de Montreuil le 14 novembre dernier.


Dans cette affaire, les voisins auteurs du recours avaient eu connaissance, avant l'acquisition de leur habitation, du projet de construction contesté.


Ils avaient également pris soin de négocier une réduction du prix en raison des nuisances potentielles dudit projet et avaient refusé toute médiation avec les bénéficiaires de l'autorisation d'urbanisme contestée.


C'est donc au regard de ces - très particulières - circonstances que le juge administratif a condamné les requérants à une amende pour recours abusif :


"Il résulte de l'instruction que M. et Mme C étaient auparavant les propriétaires de la parcelle dont M. et Mme F sont les propriétaires actuels, qui incluait alors la parcelle contigüe, terrain d'assiette du projet, avant sa division en deux lots, l'un comportant un pavillon individuel à usage d'habitation, et l'autre, vierge de toute construction. Les pétitionnaires souhaitant vendre leur pavillon individuel implanté sur le premier lot, et construire un pavillon individuel sur le second lot, ont mis en vente leur pavillon, dont M. et Mme F se sont portés acquéreurs. Ces derniers ont alors négocié le prix de vente du pavillon individuel à la somme de 442 000 euros, alors que le prix de vente initial était de 460 000 euros, au motif que les pétitionnaires avaient d'ores-et-déjà pour projet de réaliser un pavillon individuel à usage d'habitation sur le second lot, contigu au premier, et qu'ils subiraient des nuisances et des désordres liés à la réalisation des travaux. Pourtant clairement informés du projet des pétitionnaires avant même d'acquérir le bien, qui, contrairement à ce qu'ils soutiennent, d'ailleurs avec une particulière mauvaise foi, n'a pas évolué entre le moment où la vente a été conclue et où la demande de permis de construire a été déposée, M. et Mme F n'ont toutefois eu de cesse que d'empêcher sa réalisation, alors que le projet porté par les pétitionnaires est de faible envergure, qu'il ne créée aucune vue directe sur leur propriété, et qu'il s'inscrit pleinement dans le cadre pavillonnaire du quartier, tout d'abord, par l'exercice de leur recours gracieux du 16 décembre 2022, puis par l'introduction de leur requête, le 6 avril 2023, qu'ils ont maintenue et largement développée par la production de six mémoires, en dépit de la délivrance, le 26 avril 2023, en cours d'instance, à la demande de M. et Mme C, d'un permis de construire modificatif modifiant l'implantation du pavillon projeté, et dans leur intérêt exclusif, afin de préserver au mieux l'ensoleillement de leur terrasse. Les requérants ont également refusé, sans la moindre explication, le 28 avril 2023, la proposition de médiation qui leur a été adressée le 14 avril 2023 par le tribunal. Dans ces conditions, et en dépit de leur qualité de voisins immédiats du pavillon projeté, le droit de M. et Mme F à former un recours contre les permis de construire litigieux a été mis en œuvre, au cours de la présente instance, dans des conditions qui traduisent un comportement abusif et que leur recours pour excès de pouvoir excède la défense de leurs intérêts légitimes."


Le juge condamnait alors les requérants à verser au pétitionnaire la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.


Le juge faisait ensuite usage du pouvoir que lui confère l'article R. 741-12 du code de justice administrative pour condamner, à nouveau, les requérants à verser au bénéficiaire du permis de construire la somme de 2.000 €.


En matière d'urbanisme, la mauvaise foi du requérant peut s'avérer parfois coûteuse...


Louis WACQUIER

Avocat en droit public

Avocat en droit de la construction

Barreau d'Amiens

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